Quand il me faudra mourir
Michel jonasz
Quand il me faudra mourir,Quand il me faudra mourir,Que l'on donne congé au brave fossoyeur.Qu'il boive du vin rosé ou de douces liqueursMais qu'il laisse la clé et toutes grandes ouvertes,De notre cimetière, les jolies grilles ouvertes.En ce jour où la mort viendra à ma rencontre.Que ma femme laisse courirLes jambes de mes montres,Quand il me faudra mourir,Quand il me faudra mourir.Qu'on appelle l'écolier en beau tablier bleu,Celui qui ne quitte pas son cerf-volant des yeux.Qu'au fond de la cuisine, ce jour, la MariaLui donne la plus belle part du gros gâteau des rois.Qu'il s'en aille vers l'école le jour où je m'endors,Avec dans son cartable des noix et des fruits d'or,Quand il me faudra mourir,Quand il me faudra mourir.Que l'on dise à mon âne qu'il restera au pré.Qu'il se repose enfin, qu'il mange des bleuets.Que ma fille rapporte les livres de StendhalA la bibliothèque du lycée communal.Qu'elle donne à manger au peuple des pigeons,Qu'elle jette des sous aux joueurs de violon.Quand il me faudra mourir,Que ma femme, mon fils et ma dernière filleMe parlent du mois de mai et des champs de jonquillesEt qu'avant de partir, comme partent les jongleurs,Qu'ils ferment les volets, les portes de mon cœur.Quand il me faudra mourir,Quand il me faudra mourir,Que viennent me chercher les chevaux des poètes.
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