Serge reggiani

La clef

Serge reggiani
La clef qui s'accroche à mes doigtsN'est pas celle du paradis,Elle porte sur un bout de boisUn numéro gravé vingt-sixEt l'ascenseur, trop lentement,Nous mène à ce dernier étageOù, bientôt, nous serons amantsEt il frissonne dans sa cageIl y a comme toujours de la faïence,Comme toujours du papier à fleurs,Et ce miroir qui vous relance,Des têtes du genre à faire peurY a toujours ce goût de tabacEt d'alcool au fond de ma bouche,Et toi, tu enlèves tes basDurant le temps que je me couche...Ma compagne d'un seul naufrage,Ma moins-que-rien, ma plus-que-tout !Y aura-t-il jamais un rivageOù pouvoir se tenir debout ?...Voici les caresses brouillonnes,Des baisers à peine ébauchés,Et puis la vie qui vous tanneFaut profiter de ces péchés,Les engranger dans sa mémoireCar c'est bientôt dix heures...Bon Dieu !Il n'est que temps d'aller se boireLe café crème des adieux...Y a comme toujours un ciel tout gris,Et ce petit vent qui vous gèle,Et puis la sale gueule de Paris,Et puis la pluie qui vous harcèle...Nous ressemblons à deux enfantsPartageant la même bêtiseLes noyaux viennent en leur tempsSans qu'on ait connu les cerises !Ma compagne d'un seul naufrage,Ma moins-que-rien, ma plus-que-tout,Y aura-t-il jamais un rivageOù pouvoir se tenir debout ?Debout...
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